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39 mois pour #réunirLesFamilles !!

 

Toutes les familles ont une valeur égale. Cependant, le système d'immigration au Canada traite les familles de façon inéquitable par catégorie d'immigration, par région et par loi. Participez avec le CRÉDIL à la campagne du Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) pour la réunification familiale afin de souligner les inégalités et de demander un traitement égal pour toutes les familles.

 

Le programme « Délai prescrit d’un an ».

Plusieurs personnes réfugiées arrivent à Joliette sans des membres de leur famille. Ceux-ci sont soit laissés dans le pays d’origine, restés dans le premier refuge ou sont portées disparues au moment du départ de la famille. Ces membres de leur famille immédiate qui n’ont pas été en mesure de les accompagner, en raison de circonstances indépendantes de leur volonté, peuvent avoir recours au programme « Délai prescrit d’un an » d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour les faire venir auprès d’eux, sous de nombreuses conditions.

 

Ce programme prend en compte les besoins des familles de se retrouver pour recommencer une nouvelle vie ensemble. Il leur permet de vivre le parcours d'intégration, avec ses hauts et ses bas, car c'est ensemble et solidairement que les gens s'intègrent le plus rapidement. C'est l'esprit même de la loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

 

Parmi les conditions du programme, comme le nom du programme l’indique, la demande doit être faite à l’intérieur des 365 jours suivant l’arrivée au Canada. Passé cette date, la fenêtre se referme et il n’est plus possible de l’ouvrir. Il y a aussi une définition très restrictive de la catégorie « membre de la famille ». Finalement, la personne ici doit obligatoirement avoir déclaré les membres de la famille laissées derrière avant l’arrivée au Canada. Cette condition est l’une des causes fréquentes du rejet des demandes.

 

Mais pourquoi ne sont-ils pas tous venus ensemble?

Les raisons sont multiples. En temps de guerre, de conflit ou de persécution, il est fréquent que les membres d'une même famille soient dispersés dans leurs fuites vers la sécurité. Les uns se retrouvent dans un camp par là et les autres dans un autre camp, souvent dans un autre pays. Il n'est pas rare de voir un ou une conjointe penser que l'autre est décédé. Qu'on se souvienne de ces personnes qui ont pris la mer ou qui ont marché dans les chauds déserts d'Afrique pour aller vers un avenir meilleur pour le reste de leur famille. Pas plus tard que la semaine dernière, des centaines de corps ont été retrouvés en pleine mer et des corps ont été retrouvés parfois assassinés dans ces déserts de la mort. Ce sont des conjoints, des conjointes et des enfants. Pas plus tard qu'hier, encore aujourd'hui et malheureusement demain aussi, nous retrouverons de ces personnes qui avait le feu dans le dos et l'espoir devant eux, mais que…

 

Les intervenant.es en intégration du CRÉDIL en savent quelque chose. Nous accompagnons des hommes et des femmes réfugié.es séparé.es de leurs conjoints et conjointes et souvent, séparé.es de leurs enfants restés là-bas dans des conditions extrêmement difficiles. Nous écoutons leurs histoires. Nous les accompagnons dans les dédales administratifs sans fin pour qu'enfin, ces familles soient réunies. Nous les accompagnons en les soutenant dans ces difficiles années de séparation où l'inquiétude, le découragement et la détresse psychologique sont au rendez-vous.

 

Un beau programme chargé de mais…

Cependant, ce programme, beau dans ses intentions, mériterait un examen de conscience. L'impact des longs délais de séparation soulève des questions puisqu'ils semblent aller à l'encontre des objets de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Dans les objets de cette loi, en ce qui a trait aux personnes réfugiées, il est mentionné à l'article 3.2 :

 

S’agissant des réfugiés, la présente loi a pour objet :

  • f) d’encourager l’autonomie et le bien-être socioéconomique des réfugiés en facilitant la réunification de leurs familles au Canada;

 

 

Or, dans les faits, quand est-il?

  • En moyenne, il faut 39 mois entre le dépôt initial de la demande et la réunification de la famille. C'est très long, beaucoup trop long.

 

  • Ce programme ne tient pas compte qu’il arrive parfois, souvent même, que la personne ici retrouve les membres de sa famille plus de 365 jours après son installation au Canada.

 

  • Ce programme est très restrictif sur la définition de membre de la famille. Uniquement les enfants et les conjoints de la personne ici peuvent participer à ce programme.

 

  • Ce programme élimine toute personne – membre de la famille immédiate – que la personne réfugiée déjà ici n’avait pas déclarée à l’agent d’immigration avant son arrivée. Pour diverses raisons telle la peur de voir sa demande d’entrée refusée, le stress de l’arrivée au Canada, la croyance que la personne est décédée ou la barrière de la langue, plusieurs personnes réfugiées omettent de déclarer des membres de leur famille.

 

Si les conditions sont réunies et que la personne réfugiée ici peut bénéficier de ce programme, il y aura l’attente, une très longue attente. Durant ces longues années de séparation, on demande aux personnes déjà ici d’apprendre le français, de s’enraciner, de contribuer à la communauté. On s’attend à ce qu’elles s’épanouissent et qu’elles soient heureuses d’être enfin. Mais, et ils sont nombreux les, mais, après 39 mois de séparation, il est évident que l’attachement entre les membres qui ont été séparés a été grandement affecté. L’incompréhension et la colère sont souvent au rendez-vous lors des années à espérer revoir papa, maman ou son enfant.

 

Dans un certain nombre de cas, la séparation de la famille a brisé la famille et lors de la réunification, les membres ne se reconnaissent plus, ne reconnaissent plus l’autorité parentale ou l’enfant. La séparation a des effets très pervers sur la santé mentale et est un frein sur la capacité, voire même la volonté des réfugiés, à vouloir s'intégrer au Canada.

 

Trois années et 3 mois, c’est ça 39 mois. Dans un processus d’immigration et d’intégration, 39 mois sont une éternité et retrouver son alter ego ne se fait pas sans des modifications profondes de soi. Malheureusement, ces retrouvailles se terminent trop souvent par de grandes difficultés et pour certain.es, par une séparation.

 

Les intervenant.es du CRÉDIL accompagnent actuellement une vingtaine de ces hommes, femmes et enfants séparés. L’accompagnement de ces personnes nous force à nous questionner sur l’esprit même de la loi : d’encourager l’autonomie et le bien-être socioéconomique des réfugiés en facilitant la réunification de leurs familles au Canada.

 

Pour en apprendre davantage

Nous vous invitons à visiter ce lien : La réunification familiale pour tous!

 

Pour passer à l’action

Nous vous invitons à visiter ce lien : Passez à l'action : la réunification familiale pour tous

Lecteurs et lectrices, comment vivriez-vous ces 39 longs mois de séparation d’avec vos êtres aimés?

Lecteurs et lectrices, comment vous sentiriez-vous si vous aviez à annoncer à un conjoint, une conjointe et aux enfants pour lesquelles l’immigration refuse la demande de réunir la famille? Que papa ne viendra jamais, que son conjoint.e de viendra jamais?

 

Sylvain Thibault

Chargé de programmes Immigration